Quelle est la situation aujourd'hui en France au niveau de la ville et du commerce ?
Les politiques de la ville cumulent les échecs depuis plus de vingt ans. Le système a vendu la ville aux promoteurs et aux marchands. Nous devons déjà défendre le droit au logement de façon effective. Nous devons aussi faire cesser l'exclusion des pauvres des centres-villes. Ralentir la ville et penser les transition est donc devenu indispensable. Nous devons enfin rendre à la ville sa fonction d'échange et pas seulement dans le domaine marchand.
Que changeraient concrètement les mesures que vous proposez dans la vie des Français si elles étaient réellement mises en place ?
Les politiques de la ville et du commerce que nous proposons de façon concrète sont la preuve qu'il est possible d'avancer vers ce que je nomme un socialisme gourmand car il s'agit de donner de la joie de vivre, d'inventer des nouveaux jours heureux – un socialisme véritable car il s'agit de penser des transitions en dehors du capitalisme et du productivisme. J'inscris nos propositions dans le contexte global de ce qui se cherche au niveau mondial autour de notions nouvelles comme le Buen Vivir – la vie pleine, la vie bonne, etc.
Notre ministère sera donc celui du « moins mais mieux » en matière de politique de la ville et du commerce. Notre programme est ambitieux : repenser le fonctionnement et le financement des établissements publics fonciers ; instaurer une grande réforme fiscale pour transférer une partie des plus-values immobilières aux collectivités ; garantir le développement et l’accès à un véritable logement social, refuser de faire des villes des produits à vendre à des investisseurs – soutenir les collectivités qui expérimentent un autre futur : villes lentes et villes en transition ; en finir avec la spéculation et l’expulsion des milieux populaires, respecter le principe de libre circulation entre quartiers et entre immeubles ; s’opposer au développement de toute ville privée ; instaurer la gratuité du bon usage face au renchérissement du mésusage ; fonder une Agence nationale de la gratuité des biens communs ; mettre en place un bouclier énergétique ; instaurer la gratuité des transports en commun urbains ; bloquer le loyer dans le logement social à un pourcentage maximum du revenu, avancer vers la gratuité du logement social ; remunicipaliser les services publics locaux, choisir les régies contre les délégations de services publics ; libérer la ville de l’emprise de la voiture ; stopper le gigantisme des agglomérations, des édifices et des équipements ; refuser les villes hors sol et favoriser les traditions et matériaux locaux ; réintroduire du désordre urbain ; ralentir la ville, relocaliser ses activités artisanales, industrielles, commerciales ; respecter le droit à la nuit ; interdire l’usage agressif de la publicité ; reconvertir les zones d’activité qui défigurent la France ; faciliter les expérimentations ; rendre la parole aux usagers et aux citoyens ; réfléchir à la mise en place de monnaies complémentaires (locales et pourquoi pas fondantes) ; inciter à la création de Systèmes d’échanges locaux (Sel) ; diminuer les déchets à la source et favoriser la réparation des objets, avec fixation d’objectifs de diminution des volumes d’emballage et d’usage des matières premières par branche d’activité, extension des garanties obligatoires pour combattre l’obsolescence programmée, obligation aux constructeurs de laisser libre accès aux composants. Bref, sortir du productivisme mais aussi du consumérisme.
Pensez-vous qu'un mouvement populaire tel que les «Indignés» ou «Occupy Wall Street» pourrait se produire en France ?
La question est de savoir pourquoi un tel mouvement n'existe pas encore véritablement en France. J'ai accepté de prendre la direction de la nouvelle revue internationale les Indigné(s) dont le premier numéro paraît en janvier 2012 parce que ce mouvement est le symptôme de la révolte de la jeunesse globalisée. Les conditions objectives de la révolte existent… Il faut combattre le sentiment d''impuissance. Nous ne pourrons y parvenir qu'en suscitant le désir de changer, en donnant envie. Les gauches actuelles ne sont malheureusement pas à la hauteur de ces enjeux.